RIVIERA-FRANCE : Cette page regroupe les articles du blog Passion Riviera relatifs à la partie française de la Riviera.
Repos à Menton est un texte qui raconte l’arrivée dans cette ville de la Riviera d’une famille venue oublier les bombes du siège de la capitale.
» Depuis quelques années, on n’arrive plus à Menton que par le chemin de fer.
C’est un crime de lèse-nature dont je voudrais épargner les remords à un certain nombre d’honnêtes gens.
Sans doute le chemin de fer a d’immenses avantages sur la route de terre, et quelle route ! la Corniche, la merveille de la France et de l’Italie.
Certes, en remplaçant les heures par des minutes, le train épargne surtout de douloureuses fatigues aux malades.
Mais, avant d’atteindre Menton, il passe sous le promontoire du cap Martin dans un trop long tunnel, puis il serpente jusqu’à la gare de Menton à travers des groupes de maisons et de jardins qui interceptent complétement la vue.
Je ne suis cependant pas arrivé à Menton comme on doit y arriver, à pied ou en voiture découverte, par la route de la Corniche.
C’était le 8 mars 1871.
Nous venions, mon ami Charles et son épouse Louis, ma femme, mon fils et moi, nous reposer quelques semaines, au bord de la Méditerranée, des fatigues, des privations et des émotions du siège de Paris.
A cette époque, tous les services étaient encore désorganisés par les transports de troupes.
Nous prîmes donc forcément le chemin de fer et encore notre voyage dura-t-il quatre jours entiers !
Il faisait nuit quand nous arrivâmes à Menton. Le temps était couvert ; pas même une étoile pour nous guider. En outre, il avait plu la veille et une partie de la matinée ; de larges flaques d’eau recouvraient çà et là la route détrempée.
Notre hôte, M. Viale, que je proclamerais le plus aimable des Mentonnais, s’il n’était né près de Diano-Marino, dans la Rivière de Gênes, nous attendait à la gare avec un omnibus tiré par des chevaux.
Les bagages chargés, nous montâmes dans une caisse longue, basse, étroite, percée d’un trop petit nombre d’ouvertures. La voiture roula longtemps.
Nous aperçûmes, durant la première partie du trajet, beaucoup de fenêtres ou de boutiques brillamment éclairées ; puis, à un brusque détour, d’épaisses ténèbres nous enveloppèrent.
A notre droite, la mer se brisait sur des blocs de rochers à une assez grande profondeur.
Enfin l’omnibus s’arrêta en pleine campagne.
Nous étions à la porte de notre habitation future, la charmante villa Santa Maria. Notre hôte ne nous quitta qu’après nous avoir installés, avec une complaisance vraiment touchante, dans nos deux appartements contigus.
Quand l’omnibus se fut éloigné, j’ouvris la fenêtre du salon commun. Je ne vis absolument rien que la nuit ; je n’entendis que les mugissements de la mer qui roulait avec fureur les galets de la plage, à quelques mètres de la villa. »
Repos à Menton est un texte d’Adolphe Joanne extrait du livre « Le Tour du monde », publié en janvier 1874.