Le nid de pirates de Porto Venere décrit les impressions de deux amis à la vue de la ville depuis l’île de Palmaria.
“Laurent et Thérèse se firent conduire à l’île Palmaria.
C’est un bloc de marbre à pic sur la mer et qui s’abaisse en pente douce et fertile du côté du golfe. Il y a de ce côté quelques habitations à mi-côte et deux villas sur le rivage.
Elle et lui devant Porto Venere
Cette île est plantée, comme une défense naturelle, à l’entrée du golfe, dont la passe est fort étroite entre l’île et le petit port jadis consacré à Vénus.
De là le nom de Porto Venere.
Rien dans l’affreuse bourgade ne justifie ce nom poétique ; mais sa situation sur les rochers nus, battus de flots agités, car ce sont les premiers flots de la véritable mer qui s’engouffrent dans la passe, est des plus pittoresques.
On ne saurait imaginer un décor plus frappant pour caractériser un nid de pirates.
Les maisons, noires et misérables, rongées par l’air salin, s’échelonnent, démesurément hautes, sur le roc inégal.
Pas une vitre qui ne soit brisée à ces petites fenêtres, qui semblent des yeux inquiets occupés à- guetter une proie à l’horizon.
Pas un mur qui ne soit dépouillé de son ciment, tombant en grandes plaques comme des voiles déchirées par la tempête.
Pas une ligne d’aplomb dans ces constructions appuyées les unes contre les autres et près de crouler toutes ensemble.
Tout cela monte jusqu’à l’extrémité du promontoire, où tout cesse brusquement, et que terminent un vieux fort tronqué et l’aiguille d’un petit clocher planté en vigie en face de l’immensité.
De marbre devant Porto Venere
Derrière ce tableau, qui forme un plan détaché sur les eaux marines, s’élèvent d’énormes rochers d’une teinte livide, dont la base, irisée par les reflets de la mer, semble plonger dans quelque chose d’indécis et d’impalpable comme la couleur du vide.
C’est de la carrière de marbre de l’île Palmaria, de l’autre côté de l’étroite passe, que Laurent et Thérèse contemplaient cet ensemble pittoresque.
Le soleil couchant jetait sur les premiers plans un ton rougeâtre qui confondait en une seule masse, homogène d’aspect, les rochers, les vieux murs et les ruines, à ce point que tout, l’église même, semblait taillé dans le même bloc, tandis que les grands rochers du dernier plan baignaient dans une lumière d’un vert glauque.”
Le nid de pirates de Porto Venere est un extrait du roman “Elle et lui” de George Sand, publié en 1859.