Le Carnaval de Nice est bien vivant (2) reprend le contenu d’une lettre adressée par une Parisienne Jeanne de Soisy à une amie de province.
» Les batailles de fleurs ne sont que le prélude des réjouissances carnavalesques.
On réserve, pour les jours gras, la bataille des confetti, moins poétique, mais follement gaie, les cortèges, les cavalcades, puis dans les jardins, on se livre au jeu des moccoletti, qui est une fantaisie très amusante et très pittoresque.
Ce jeu consiste à porter à la main une petite bougie allumée et à tâcher de la défendre tout en essayant do souffler la bougie du voisin ou de la voisine.
Cela donne lieu à une course de feux follets, au milieu de laquelle on se poursuit, on s’évite, on se heurte en poussant des cris de joie à chaque bougie éteinte, et tout ce brouhaha au son des orchestres en plein vent qui font danser le peuple.
Ces danses durent d’ailleurs toute la journée du dimanche et du mardi gras, et ne s’interrompent même pas pendant la bataille des confetti, qui est, comme les batailles de fleurs, un divertissement mondain.
Il faut, pour y prendre part, avoir soin de revêtir un domino et se couvrir le visage d’un masque, sans quoi, il serait impossible d’affronter cette lutte, qui malgré sa courtoisie est des plus violentes.
Elle se fait à pied et en voiture.
La fête commence par un défilé de chars remplis de personnages costumés d’une manière pittoresque ; les uns représentent des princes et des princesses de féeries ; les autres, des bergers et des bergères de l’antiquité ; d’autres encore figurent l’Olympe et tous les dieux de la fable ; ceux-ci sont en polichinelles, ceux-là sont en singes, d’autres en guerriers ; la diversité est infinie, comme l’imagination des méridionaux ; chaque char porte un orchestre et un corps de ballet.
Des voitures particulières, fort joliment décorées, suivent ces chars, et sont occupées par des personnes déguisées également.
Les combattants se lancent des confetti et en jettent sur les passants au moyen de frondes et de pelles creuses qui les envoient aux plus grandes distances.
Ces frondes permettent de viser au loin et d’atteindre l’adversaire soit qu’il se trouve à une fenêtre, sur un balcon, dans les tribunes ou dans les voitures.
Elles se composent d’un godet creux en fer-blanc, attaché à un jonc flexible ; en faisant ployer le jonc, on obtient une force de projection considérable.
Tu sais que les confetti sont des bonbons de plâtre, qui s’écrasent, s’ils sont frais, et font balle, s’ils sont vieux.
Si les piétons reçoivent de véritables cascades de plâtre, ils soutiennent la lutte et ripostent avec la même ardeur.
Cette pluie de plâtre ne vaut pas la pluie de fleurs des premières batailles. I
l y a pourtant un moyen de faire cesser les hostilités et de demander grâce : c’est de lancer un bouquet à son adversaire ; ce bouquet est le drapeau blanc du guerrier qui, en s’avouant vaincu, demande les honneurs de la guerre.
Devant cette capitulation fleurie, le combat cesse, et la paix est conclue. »
Le Carnaval de Nice est bien vivant (2) se poursuit dans un second épisode, intitulé « Le Carnaval de Nice est bien vivant (3) ».