Du goudron et pas de plumes à Monaco est une histoire qui raconte comment l’invention du docteur Ernest Guglielminetti a révolutionné l’histoire de l’automobile.
» En 1893, le Prince Albert Ier de Monaco daigna m’autoriser à m’établir à Monte-Carlo.
Dans une réunion de la Société Médicale de Monaco, présidée par le Prince, j’avais attiré l’attention de Son Altesse sur mes observations physiologiques faites au Mont-Blanc.
Le Prince, tout en me félicitant, m’engagea de ne pas avoir des regards trop tendus vers les sommets des hautes montagnes mais de les diriger plutôt vers la terre où un problème beaucoup plus important et urgent était à résoudre : la suppression de la poussière en train de compromettre l’avenir de la Riviera, l’arrosage à l’eau étant devenu tout à fait insuffisant.
A partir de ce jour, je commençais à étudier différents nouveaux remèdes contre la poussière : d’abord l’arrosage à l’eau de mer, mais le sel abîmait le bas de jupes des dames et corrodait les sabots des chevaux.
Puis j’essayais l’arrosage au pétrole et à la westrumite, huile lourde rendue soluble dans l’eau. Les résultats ne furent pas assez durables relativement au prix.
Le hasard change la donne
Le hasard me fit observer quelques plaques de goudron tombées accidentellement devant l’usine à gaz de Monaco, qui, formant corps avec la surface de la chaussée, semblaient résister à la circulation et je me souvenais alors d’avoir vu, à Sumatra, badigeonner les planchers des hôpitaux au goudron pour les rendre étanches afin de pouvoir mieux les laver en temps d’épidémies.
Je proposais au Prince d’essayer de badigeonner au goudron la surface d’une route.
Son Altesse me répondit : « L’usine à gaz de Monaco est à votre disposition ».
Le lendemain, le 13 mars 1902, avec une bassine à chauffer le goudron et un vieux balai, je fis mon premier essai de goudronnage sur la route des Abattoirs de Monaco.
Un balai magique
Mes amis me voyant arroser la route au goudron me croyaient devenu fou.
Le lendemain, le goudron avait séché et formait, sur la chaussée, un tapis noir qui protégeait les cailloux contre l’effritement.
Les jours suivants, il n’y avait pas de poussière par le beau temps et pas de boue par la pluie.
Dès ce moment, j’eus confiance dans l’avenir du goudronnage et je voyais déjà dans mon imagination toutes les routes empierrées couvertes de ce tapis noir.
On se moquait de moi, on me traitait d’utopiste… ce qui semblait alors une utopie est devenue aujourd’hui une réalité. »
Du goudron et pas de plumes à Monaco est un texte déroulé depuis la revue « Cyclo magazine » du 1er janvier 1945.