Bombardement à Nice est un récit qui raconte une bataille de fleurs sur la promenade des Anglais.
» C’est le jeudi précédant le mardi gras que la fête du Carnaval de Nice commence. Le canon tonnant sur la grosse tour, au sommet de la colline du vieux château, annonce le Corso de gala et la bataille des fleurs.
Tous les équipages de Nice défilent sur la promenade des Anglais.
Ce ne sont plus des voitures, ce sont des jardins ambulants ; les roues sont devenues des couronnes de feuillage avec un bouquet pour moyeu, des guirlandes de verdure s’entrelacent sur les panneaux, la lanterne est un énorme bouquet de lilas blanc, et le cocher est à moitié enseveli sous les bottes de violettes amoncelées dans de grands paniers, préparées en gros bouquets ou entassées dans la capote-jardinière.
La bataille de fleurs, commencée avec les combattantes et les combattants postés sur les balcons ou les vérandas des villas, devient vite une mêlée générale sur la promenade des Anglais ; les bouquets volent, les touffes de roses fendent l’air, héliotropes, anémones, narcisses, œillets, iris et géraniums pleuvent de toutes parts, accompagnés, bien entendu, des madrigaux de rigueur et des éclats de rire des blessés.
Les combattants des allées bombardent les voitures au passage et reçoivent en retour une pluie de projectiles, les voitures s’attaquent aux voitures, et quand les munitions sont épuisées, on riposte avec les obus fleuris des assaillants.
On a dépensé des sommes folles pour fleurir les voitures et les garnir de munitions ; certaines calèches sont entièrement décorées de camellias en guirlandes, camellias aux panneaux, camellias aux roues, camellias aux lanternes….
Toutes les serres et tous les jardins ont été dévalisée, et il en est resté encore, après ce galant combat à la Watteau, suffisamment pour recommencer au besoin le bombardement. »
Bombardement sur Nice est un texte cueilli dans la revue « La vie élégante » de 1882.