Le prince de Monaco s’invite à déjeuner raconte une question d’étiquette à la suite de l’arrivée inattendue du souverain.
Geneviève Halevy tenait un salon littéraire à Paris, rue de Miromesnil, où elle recevait une société composite, sans souci des préséances, dans une manière d’égalité académique.
Après avoir été marié avec le compositeur Georges Bizet, elle vivait dorénavant avec l’avocat Emile Straus. On dit qu’elle servit de modèle pour la duchesse de Guermantes, dans le roman de Marcel Proust, A la recherche du temps perdu.
» Gabriel d’Annunzio, le célèbre écrivain italien, qui venait pour la première fois à Paris, fut invité rue de Miromesnil à l’un des déjeuners du dimanche, et l’on se préparait à lui rendre honneur, lorsque le maître d’hôtel ouvrit la porte et, au lieu d’annoncer que Madame était servie, vint dire à Mme Straus entre haut et bas :
— Le prince de Monaco téléphone pour demander s’il peut venir déjeuner.
— Naturellement ! Répondez que oui ! dit Straus de mauvaise humeur.
C’était toute la table à refaire, Annunzio à gauche !
Sans compter qu’au lieu de lui présenter, comme à un roi, tous les convives, et même les femmes, c’est lui qu’il fallut présenter au prince, qui ne manqua pas de lui dire, en guise de compliment, comme il faisait à tous les gens de lettres :
— Vous êtes très connu à Monaco.
Sur ce, on annonça que Son Altesse Sérénissime était servie. »
Le prince de Monaco s’invite à déjeuner est un texte trouvé dans le livre « Souvenirs de la vie mondaine » d’Abel Hermant, publié en 1935.