L’écrivain fou de Cannes est une histoire qui raconte la dégradation de la santé mentale de cet auteur.
» La triste nouvelle de la folie qui a atteint Guy de Maupassant ne peut plus être celée.
Les rares privilégiés reçus au chalet de l’Isère, à Cannes, et à bord du cotre Bel-Ami, s’attendaient au terrible événement.
Depuis la mort d’Hervé, son frère, décédé dans une maison d’aliénés, Guy de Maupassant craignait pour son cerveau.
Drogues
Il s’adonna à l’opium, se piqua à la morphine, prit tour à tour du chloral et du haschich.
Plus tard, pour s’exciter au travail, il absorba de l’éther à fortes doses.
Au mois d’octobre, Guy de Maupassant était venu se reposer à Cannes, dans un petit chalet situé sur la route de Grasse, où il vivait très retiré, n’ayant près de lui que son domestique Tronion et son fidèle matelot Bernard.
Levé à huit heures, il partageait son temps entre son yacht et son tricycle… Depuis quelque temps, ses promenades en mer étaient plus rares.
Deux fois par semaine, il se rendait à Nice auprès de sa mère. Il travaillait fort peu.
Coiffé d’un chapeau mou noir, revêtu d’un ample pardessus noir, on le rencontrait souvent sur la route qui du chalet mène à Cannes, gesticulant, parlant tout seul, le sourcil froncé, inquiet, agité, l’air d’un fou…
Bientôt, il devint triste, taciturne, n’ouvrant la bouche que pour se plaindre de la lassitude et de la fatigue.
Ces jours derniers se manifestèrent les premiers symptômes de la folie et l’auteur de Bel A mi essaya de mettre fin à ses jours.
Révolvers et rasoir
Saisissant ses revolvers, il s’en tira dix coups à la tête sans se blesser grièvement. Voyant qu’il s’était manqué, il saisit un rasoir et s’en porta un coup violent à la gorge. Arrêté à temps par son valet de chambre, il ne se fit qu’une légère entaille sans aucune espèce de gravité et que l’on pansa immédiatement.
Guy de Maupassant était fou furieux. On dut le lier et lui mettre la camisole de force.
Depuis, il n’a pas recouvré la raison. Se croyant attaqué par des malfaiteurs, il hurle, crie, enrage el joue des poings. Il appelle à la rescousse Bernard, et commande tout l’équipage sur le pont pour repousser les assassins.
Dans les moments de calme, qui sont très rares, il demande à grands cris de l’éther.
Les médecins qui le soignent n’ont pas grand espoir qu’il recouvre la raison ; ils redoutent une dernière crise qui l’emportera. »
L’écrivain fou de Cannes est un texte découvert dans la revue « La Semaine illustrée » du 10 janvier 1892.