Promenade à Eze est un récit emprunté à Victorien Sardou qui vante le charme de ce village de la Riviera française.
Promenade en calèche vers Eze
Un jour, de grand soleil, partez de Nice en voiture, entre neuf et dix heures du matin, et emportez votre déjeuner.
Prenez alors la route de la Corniche.
A un moment, vous apercevez, sur un piton qui domine la mer, l’Eze des Sarrasins que vous allez visiter.
La route qui conduit vers le village se détache alors de la Corniche sur la droite.
Le cocher vous dira qu’elle n’est pas praticable en voiture. N’en croyez rien.
Elle pourrait être meilleure, mais la voiture s’y engagera sans difficulté et vous épargnera une demi-heure de marche.
Ici, première surprise!
De loin, Eze vous paraissait nu, sans végétation, de la couleur du roc où il s’assoit, et comme un grand tas de cendres.
Vous quittez à peine la Corniche, et les amandiers, les pêchers en fleurs, le feuillage épais et gras des caroubiers, le gris argenté des oliviers, l’herbe verte et drue des prairies reposent vos yeux fatigués par la blancheur de la route.
Un ruisseau bondit joyeusement de roche en roche, se frayant un chemin jusqu’à la mer.
Aussi, vous pouvez choisir là votre place pour déjeunera l’ombre.
Eze tombe à pic
Puis, gagnez le village qui s’offre à vous sous le fier aspect d’une forteresse imprenable.
Rampes d’accès, murs d’enceinte, habitations, tout est taillé, construit dans le roc, et fait corps avec lui, au point que l’on ne distingue plus le travail de la nature de celui de l’homme.
Ne comptez d’ailleurs pour vous orienter que sur vous-même.
Le village est désert, c’est à peine si, entre deux pans de murs, quelque vieille femme apparaîtra, comme oubliée volontairement par les Sarrasins.
Deux ou trois enfants en guenilles vous suivront curieusement, et vous offriront leurs maigres bouquets.
Le silence est profond, l’horizon aveuglant, la chaleur implacable.
Reposez-vous sur la place de l’église, puis abandonnez la voiture qui reprendra la route de la Corniche avec ceux qui craignent la fatigue, et vous, qui êtes un bon marcheur, suivez le sentier de chèvres, qui relie le village à la station du chemin de fer.
C’est une descente à pic, de trois quarts d’heure.
Vous ne la regretterez pas et, par le train venu de Monaco, vous rentrerez à Nice avec beaucoup d’appétit, un peu de lassitude dans les genoux, et le souvenir d’une excursion charmante.
Promenade à Eze est un écrit de l’auteur dramatique Victorien Sardou. Sa publication remonte à 1884, dans un supplément du journal « Le Figaro ».