La ville morte de Bussana en Ligurie est une histoire qui raconte comment un ecclésiastique ivre a sauvé toute sa communauté d’une mort certaine.
« Au loin de San Remo, une étrange et silencieuse cité se niche au sommet d’une montagne : c’est Bussana, la ville morte.
Bussana vecchia, le village sans habitant de la Riviera italienne attire, surprend, par son charme mélancolique, son extraordinaire silence, au milieu du vigoureux paysage qui l’entoure, l’isole du monde des vivants.
Une ville morte près de San Remo
Bussana est une petite fleur abandonnée sur un gigantesque rocher des montagnes liguriennes.
La curieuse cité médiévale, avec ses rues montantes pavées de galets roses, ses hautes maisons aux ombres violettes et son fin campanile qui dresse sa silhouette badigeonnée d’ocre comme une épée d’or sur le bleu du ciel, agonise lentement, farouchement exilée, ainsi qu’un aigle blessé dans son aire.
L’humble village alpestre ne fait ressusciter aucun souvenir d’épopée glorieuse. Il évoque la panique tumultueuse et effroyable de toute une population fuyant cette vieille terre généreuse et traîtresse qui se secoue de siècle en siècle.
C’était à l’aube du mercredi des Cendres de l’année 1887.
Les sonorités graves des clochers avaient lancé dans la montagne l’appel paisible de la prière.
De San Remo, la ville du plaisir, jusqu’à la laborieuse San Stefano, elles avaient toutes répondu et la foule envahissait les églises.
Toutes, à l’exception de l’église de Bussana. qui demeurait obstinément silencieuse et vide, le sacristain ivre mort à la suite de ses libations de la veille se trouvant incapable d’accomplir son ministère. –
C’est alors que se produisit l’incompréhensible destin.
Lorsque le sol s’ouvrit, l’église déserte de Bussana s’écroula la première. Seul resta debout le haut portail que décorent à son faite deux amours Renaissance.
Les maisons montagnardes solidement plantées se lézardèrent, craquèrent dans un vacarme affreux. mais résistèrent pour la plupart au cataclysme.
Le vin sauvent les villageois
Grâce à l’intempérance d’un bedeau, des centaines de vies humaines furent ainsi miraculeusement sauvées.
La population n’en sut nul gré à son sauveur.
Dans la Bussana neuve qui élève ses maisons au bord de la mer, à deux kilomètres de la cité maudite, aucune plaque ne porte gravé sur la pierre le nom de cet anonyme pécheur. »
La ville morte de Bussana en Ligurie est un texte extrait du journal « Comoedia » du 6 octobre 1930.