» Ah ! parlez-moi de Bordighera, voilà qui est champêtre et honnête. Aussi la foule ne s’y presse pas comme à Monte-Carlo.
Bordighera n’a que deux hôtels. Nous avons trouvé au Grand-Hôtel bon logis, bonne table, hôte empressé.
Bordighera est une ancienne petite ville en espalier, sur les flancs d’un rocher qui s’avance dans la Méditerrannée comme la proue d’un navire prêt à s’y lancer, et dont la montagne serait le corps, tout couvert d’une cuirasse d’arbres épaisse et touffue, impénétrable sinon aux boulets, au moins aux coups de soleil en ses fureurs.
Ce bassin délicieux aux plantes verdoyantes conserve encore son caractère primitif et presque sauvage.
Nulle arrogante demeure de financier ne fait tache dans ses vergers paisibles et plantureux.
C’est l’une des dernières retraites des moeurs, des cultures, des habitudes anciennes sur ces rivages délicieux.
Mais tout cela va disparaître. La barbarie civilisée s’avance, l’enserre et ne tardera pas à l’envahir.
Maintenant si la mode s’en mêle, Bordighera, avant dix ans, sera inabordable aux gens simples et modestes ! Alors, si vous m’en croyez, nous ne nous y arrêterons plus. »
Extrait du livre « Un hiver au soleil » de Fritz Berthoud édité en 1882