Spleen à Cannes est un récit qui racontent comment les gens s’ennuient dans cette ville de la Côte d’Azur.
” Nice, Monaco, Monte-Carlo, sont trois résidences destinées aux gens qui s’amusent.
Cannes est spécialement destinée aux gens qui s’ennuient.
Si l’ennui naquit un jour de l’uniformité, c’est à Cannes qu’il a reçu le jour.
Le ciel est toujours beau, la mer toujours bleue, les maisons toutes pareilles, les villas taillées et bâties sur le même modèle.
Les Anglais et les Anglaises que l’on rencontre à chaque pas sur la plage se ressemblent tous.
Ils ont un air filandreux qui fait peine, et les dames et les jeunes filles laissent traîner des jupons qui pleurent sur elles.
De vieux messieurs et de vieilles dames armés d’ombrelles et d’abat-jour se font traîner mélancoliquement sur la plage dans des petites voitures attelées d’un commissionnaire ou d’un domestique, et le silence n’est rompu çà et là que par quelques tristes quintes de toux.
Cela fait l’effet d’une succursale d’une maison de santé.
On a bien essayé de quelques distractions pour les visiteurs et les touristes.
Il y a un tir aux pigeons à l’instar de celui de Monte-Carlo et des courses comme à Nice, mais il vient peu de tireurs à l’un et peu de chevaux à l’autre.
A côté du tir de Monte-Carlo, celui de Cannes semble une baraque de foire, et les pigeons eux-mêmes en semblent tout tristes…
Chacun chez soi, chacun pour soi, cela paraît être tout à fait la devise de Cannes.
Les choses y sont d’un sérieux et d’un guindé qui donne le spleen.”
Spleen à Cannes est un texte extrait du livre “La comédie de notre temps” de Bertall, publié en 1874-1876.