La couleur s’éteint au Cannet est un article consacré au peintre Henri Lebasque.
» Henri Lebasque est mort.
Le nom d’Henri Lebasque, peintre élégant, coloriste séducteur, qui s’efface aujourd’hui de la liste des vivants, nous reporte aux temps-d ‘avant-guerre, où il prit une place quasi de premier rang.
Il sut s’y maintenir jusqu’au bout, jusqu’à cet âge de soixante-douze ans que lui assigne la courte dépêche de Cannes annonçant sa mort la nuit dernière, au Cannet, qu’il avait choisi pour sa retraite laborieuse.
Dès longtemps, cette côte méditerranéenne l’attira pour y peindre ses figures charmantes ; le plein air c’était son atmosphère d’artiste ; le jardin avec les agaves ou les mimosas c’était son atelier.
Au Salon des Indépendants de l’époque héroïque, dans les baraquements du Cours-la-Reine ou du quai d’Orsay, tandis que les « fauves » précédant les cubistes agitaient le monde de la peinture, bataillaient, et tandis que l’on se disputait autour d’eux, on voyait sur la cimaise — reposante oasis — ces toiles de Lebasque qui participaient de la jeune peinture par leur faire libéré, par leur coloris, qui n’avait pas oublié complètement l’impressionnisme, par leur fraîcheur d’accent, mais qui s’offraient aussi comme des images apaisées.
Henri Lebasque était alors une des joies des Salons d’avant-garde, et il le demeura.
En ce temps-là, dans son paysage méridional volontairement simplifié, vivaient des silhouettes graciles, des petites filles en costume raccourci — qui sont devenues de grandes personnes. Mme Marthe Lebasque, de l’Opéra-Comique, mariée au peintre Carlos Reymond et qui elle-même manie le pinceau avec talent, eut en son père un interprète passionné de son enfance heureuse.
La Provence avait élu Henri Lebasque parmi les peintres de son intimité ; il avait compris l’enchantement de ses maisons safranées, de ses tuiles courbes qui rosissent, de ses verdures sombres et de ses as pects essentiels ; avant tant d’autres, la route de Bandol à Sanary avait conquis son cœur….
En ces récentes années, il exposa au Salon d’Automne, aux Tuileries, des nus où la grâce le disputait à la justesse du modèle. Le coloriste luministe s’affirmait toujours en lui, soucieux d’atteindre à la beauté, éloignant toute laideur de ces yeux, au regard vif, qui viennent de se fermer. »
La couleur s’éteint au Cannet est un texte trouvé dans « Le Petit journal » du 8 août 1937.