Le héron de Nice est une histoire qui raconte comment un bateau de guerre a été mis à la disposition d’une Russe.
» Vers le printemps, la grande-duchesse Constantin de Russie se sentit fatiguée de Nice et voulut aller à Gênes.
Bonne, noble et généreuse, elle était très enfant gâtée. D’une beauté merveilleuse, idolâtrée par son mari, elle avait été la belle-fille favorite du tout-puissant empereur Nicolas 1er.
Ceci avait mis non seulement toute la Cour de Russie, mais je dirai même toute la Russie à ses pieds. Les obstacles lui étaient inconnus.
Comme elle parlait de notre départ pour Gênes, son maréchal de la Cour lui demanda de bien vouloir donner ses ordres et de fixer la date, afin qu’il pût prendre les mesures nécessaires pour le confort de la traversée.
Un bateau de guerre ou rien
La grande-duchesse lui répondit, presque avec violence : « Comment, vous vous figurez que moi, qui n’ai jamais voyagé que sur des vaisseaux de guerre, j’irai m’embarquer sur un bateau marchand ».
L’amiral Boyé lui dit doucement : « Mais je ne vois pas trop comment Votre Altesse Impériale pourrait faire autrement. »
« J’y ai déjà pensé, dit la grande-duchesse. J’ai écrit à l’empereur Napoléon que je le priais de mettre à ma disposition un bâtiment de guerre et je suis sûre qu’il ne pourra pas opposer un refus à cette requête de la femme du grand-amiral de Russie. »
On crut que le baron Boyé allait tomber de saisissement. Même, le secrétaire privé de la grande-duchesse, M. Michailoff, osa dire : « Mais, Altesse Impériale, c’est impossible, on ne peut pas adresser une telle demande à l’Empereur des Français. Et s’il refuse, pensez donc tout ce que l’on dira à Nice.
— S’il refuse, ce que je n’admets pas, répondit la grande-duchesse, je ne sais pas ce que l’on dira à Nice, mais je sais bien ce que je lui dirai, moi. Maintenant en voilà assez, bonsoir. »
L’amiral, le secrétaire et le pianiste de la grande-duchesse passèrent une partie de la nuit à se lamenter ensemble.
Intervention de Napoléon III
Le lendemain, le préfet des Alpes-Maritimes, M. Gavini, se fit annoncer chez la grande- duchesse.
Empressé et presque ému, il lui remit un pli, une lettre de l’Empereur.
En termes extrêmement courtois, l’Empereur Napoléon informait la grande-duchesse qu’il était heureux de lui être agréable, et que les ordres étaient donnés pour qu’un aviso de la marine de guerre, le Héron, jetât l’ancre en rade de Nice et se tînt à sa disposition.
La grande-duchesse considéra cette réponse comme une chose simple et due, et retint M. Gavini à déjeuner. »
Le héron de Nice est un texte trouvé dans le livre « Souvenirs d’un monde englouti » de la Comtesse Kleinmichel, publié en 1927.