Mannequin sanglant à Vidauban est une histoire qui raconte comment une fête a pris une tournure politique.
» La commune de Vidauban, autrefois paisible et peuplée de cultivateurs laborieux, a eu le triste privilège de servir de théâtre à une scène qui a ému le département entier.
Interdiction du Maire
Les derniers jours de carnaval avaient été fort agités à Vidauban.
Le 12 février, une farandole ou promenade nocturne avait eu lieu, malgré la défense du maire.
Le brigadier de gendarmerie avait reçu des outrages et dressé un procès-verbal, à la suite duquel le tribunal correctionnel a condamné trois individus à quinze jours de prison.
Le 13, le lendemain, deux dames, dont l’une la dame Maillan, est l’épouse du président de la société de la Montagne, parti de l’opposition, fabriquèrent un mannequin entièrement blanc, couleur du parti de l’Ordre à la tête du gouvernement, attachèrent à son cou une chaîne qu’elles fixèrent à un char à bancs sur lequel elles l’assirent, puis le livrèrent à des enfants.
Le mannequin fut promené ignominieusement dans toutes les rues de la commune.
Le soir, des membres de la société de la Montagne s’en emparèrent ; un cortège s’organisa.
Vin chaud
Le mannequin, toujours traîné sur le char, fut porté au milieu d’une haie de licteurs armés de haches, à l’endroit où il est d’usage de faire le carnaval.
On avait eu la précaution de placer dans le cou du mannequin, dont la taille était égale à celle d’un homme, une bouteille de vin.
Quand on fut arrivé sur le lieu du supplice, une espèce de Tribunal commença le jugement.
La foule présente fut d’avis que le blanc devait être condamné à mort.
Alors Remy Arnaud, l’un des protagonistes, prononça cette sentence : « Blanc, tu nous empêches de faire des farandoles, je te condamne à mort. »
L’arrêt s’exécute à l’instant. Le mannequin blanc est placé sur une planche, l’un des licteurs, Julien Lurien, lui tranche la tête. Les flots de vin rouge jaillissent de la bouteille cachée dans le cou ; la tête est jetée à la foule qui en disperse les lambeaux.
Celte scène lugubre, trop fidèlement imitée, cette exécution en effigie préparée et exécutée avec un art si déplorable, produisirent sur la plupart des spectateurs une impression profonde ; ils se retirèrent graves et silencieux.
L’autorité en fut instruite, et aujourd’hui les acteurs de la mascarade terroriste viennent en rendre compte devant la Cour d’Assises.
Ils sont au nombre de six : Remy Arnaud, Julien Lucien, Raymond, Tasquier, et les dames Maillan et Bouslan.
Remy Arnaud et Julien Lucien, seuls déclarés coupables par le jury du fait de provocation à la haine des citoyens les uns envers les autres, ont été condamnés le premier à quatre mois, le second à trois mois d’emprisonnement. »
Mannequin sanglant à Vidauban est un texte tiré du journal « La Gazette du Bas-Languedoc », publié le 14 juin 1850.