Un soir de réveillon à Nice (1) est un conte de Noël qui raconte le désespoir amoureux d’une jeune couturière.
» — Qu’allez-vous faire ?
D’un mouvement brusque de l’épaule, la femme voulut se dégager. Je l’avais saisie au bras, un peu au-dessus du coude, au moment où elle allait entrer dans l’eau. Je tenais bon.
Elle se retourna. Je la sentis trembler.
— Laissez-moi !
Je répétai, en l’attirant vers moi.
— Qu’allez-vous faire ?
Elle était jeune. Vingt-cinq ans au plus. Le type des filles de ce pays. Un visage à l’ovale pur, des yeux ardents, un teint mat, des lèvres humides découvrant des dents brillantes de jeune bête. Sa taille fuyait sous un manteau d’ouvrière endimanchée. Elle était nu-tête. Le vent lui collait sur les tempes des mèches de cheveux noir jais.
Ses mâchoires se serrèrent.
— Je veux me noyer.
La mer, qui mouillait le bout de nos chaussures, nous cracha un peu d’écume au visage.
L’inconnue fit un geste pour s’essuyer les joues.
— Vous voyez, lui dis-je, l’eau est froide et désagréable ce soir. C’est un mauvais jour pour lui demander un service.
Nous étions seuls sur la grève. Derrière nous, le quai des Etats-Unis dessinait une courbe lumineuse. Quelques voitures passaient. Le feu rouge du phare, à l’entrée du port, tournait ainsi qu’un manège.
La femme se taisait, la tête penchée. Je ne voyais que sa nuque. Pourtant, elle n’essayait plus de fuir.
Je ne savais quoi lui dire. Il me semblait qu’il fallait trouver un mot qu’elle pût comprendre, découvrir un signe, oser une pression de la main, risquer une intonation de la voix qui lui fît faire un pas, le pas qui la sauverait.
— C’est demain Noël, murmurai-je. «
Pierre Rocher en 1935.
Un soir de réveillon à Nice (1) a une suite que vous pouvez connaître en cliquant ICI.