Un soir de réveillon à Nice (3)

par JMS
Reveillon de Noël au Ruhl en 1937

Un soir de réveillon à Nice (3) est la suite d’un conte de Noël qui raconte le désespoir amoureux d’une jeune couturière.

” La femme marchait à côté de moi, silencieuse. Maintenant, je la voyais mieux. Elle avait des yeux admirables. Son visage s’était adouci. Elle était un peu pâle.

— Où allons-nous, lui demandai-je.

Elle murmura.

— Où vous voudrez. Plus loin. Je ne veux plus voir ça.

Elle désignait la mer couleur de lune.

Près du Casino, nous entrâmes dans un café où les tables du réveillon étaient déjà mises : nappes blanches, verres jouant avec la lumière électrique ainsi que des prismes, menus enluminés.

— Si nous faisions réveillon, nous aussi ?

J’avais parlé sans réfléchir, une sorte de réflexe devant le décor du souper.

Une légère rougeur monta aux joues de ma compagne.

— Je ne suis pas habillée, souffla-t-elle.

Au milieu du café, subitement honteuse, elle se souvenait qu’elle avait été sur le point de mourir et que le hasard l’avait prise assez tôt par le bras pour qu’elle pût regretter, vingt minutes après, de n’avoir pas mis de chapeau.

— Nous souperons avant les gens en smoking, décidai-je. Lorsqu’il entreront, nous partirons.

Pour la première fois, elle sourit. Elle choisit des huîtres, du boudin de Noël. Je fis ajouter du foie gras.

Elle avait faim, mais le dissimulait avec une application touchante. Elle n’avait accepté que trois huîtres. Mais elle en mangea une douzaine. Elle buvait lentement. La chaleur lui montait au visage. A plusieurs reprises, elle ferma les yeux. Je crus qu’elle était étourdie.

Elle se pencha un peu.

— Je vous remercie, dit-elle. “

Pierre Rocher en 1935.

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