Neige sur le Carnaval de Nice est une histoire qui raconte une bataille dantesque pendant le Corso.
» A midi, trois coups de canon au vieux château de Nice donnent le signal et la bataille du Carnaval commence.
Jusque-là on avait pu se promener à visage découvert ; mais, à partir de ce moment, la guerre est ouverte ; il faut vite prendre le masque de fil de fer et relever le collet des habits, les premiers confetti volent et viennent cingler les chapeaux.
En un clin d’œil la physionomie du Corso change ; les promeneurs paisibles se transforment en combattants, tous les bras se lèvent, tout le monde s’attaque ; les fenêtres, les balcons de toutes les maisons, loués d’avance, se garnissent de leurs locataires, qui font pleuvoir la mitraille de plâtre sur la foule de la rue.
De toutes les rues aboutissant au Corso, débouchent des combattants, la gibecière gonflée de plâtre en bandoulière, ou les poches bien garnies de confetti.
Des familles, par groupes, affrontent la mêlée ; les dames ont des chapeaux sacrifiés, bien rabattus sur la nuque et solidement retenus par des rubans ou par une mantille nouée sous le menton. Les hommes ont le droit d’être moins gracieux et ils en usent comme toujours, quelques-uns arborent sur des paletots ordinaires la pèlerine de domino ou le bonnet de fou à grelots.
Outre le simple masque de fil de fer préservant assez incomplètement, il y a des masques de formes excentriques, des casques de scaphandre en mince treillis de fer, des masques à couvre-nuque, terminés en bonnet de fou, et même des casques de chevalier en paille, à visière de laiton. Ceux-là peuvent braver les plus formidables bordées de confetti, sans jamais songer à, capituler.
Des dames, reculant devant le masque ordinaire, essayent de lutter avec de simples masques à main pour toute défense ; mais elles doivent vite renoncer à toute velléité de coquetterie et se blinder la figure comme tout le monde.
Après le premier quart d’heure de bataille il semble qu’il ait neigé sur Nice : tout est blanc, le Corso est couvert d’assez de plâtre écrasé pour construire une douzaine de maisons, les combattants sont blanchis des pieds à la tête comme des fariniers ou des pierrots ; les gamins courent à travers la foule, ramassent les confetti à pleines mains et les entassent dans des sacs pour les revendre. »
Neige sur le Carnaval de Nice est un texte retrouvé dans la revue « La Vie élégante » de 1882.