Dîner chez Madame Blanc à Monaco est un récit qui raconte une soirée chez la veuve richissime du gérant du Casino de Monte-Carlo.
” Les dîners de la villa Blanc étaient renommés pour diverses causes.
D’abord, ils réunissaient toujours des personnes remarquables dans tous les genres, en dehors des habitués et des intimes.
Ainsi, on pouvait y rencontrer le docteur Hardy, le prince de Rohan, Feyen-Perrin, Riou, Maurice du Seigneur et M. Von Dervies, ce fastueux dilettante qui entretenait pour lui seul une troupe d’opéra de premier ordre dans son château de Valrose à Nice.
Les invités arrivaient ordinairement vers sept heures et étaient annoncés dans le salon du premier étage, où les yeux étaient tout de suite frappés par la toile connue d’Hamon : Ma sœur n’y est pas !
Ceux qui étaient mieux au courant des habitudes de la maison n’arrivaient qu’à huit heures ;
D’autres enfin, les familiers ceux-là, venaient à huit heures et demie ; ils savaient que Mme Blanc et sa famille par conséquent ne se mettaient à table qu’à la dernière extrémité.
Comment aurait-elle pu dîner plus tôt, elle qui souvent, à trois heures de l’après-midi n’avait pas encore trouvé le temps de déjeuner, harcelée qu’elle était par des visites de toute sorte, par des solliciteurs, par des marchands de toute chose, de bijoux, d’étoffes, de vases, de tableaux, de dentelles ?
L’excellente femme ne savait renvoyer personne, pas même ses amis.
Cela explique pourquoi l’on dînait si tard à l’hôtel de Monte-Carlo.
L’apparition de Mme Blanc était donc une délivrance pour ses hôtes, dont les yeux hagards se fixaient sur la pendule, et le : Madame est servie ! était salué par un soupir général de soulagement.
Elle prenait le bras du plus important d’entre eux, et l’on passait dans la salle à manger, décorée de deux marines de Ziem.
Les trois institutrices ou dames de compagnies avaient pris à l’avance leurs places respectives, ainsi que Mlle Marie, la fille cadette de Mme Blanc, depuis princesse Bonaparte.
Le nombre de convives était ordinairement limité à une douzaine. Inutile de dire que le service était de premier ordre.
Chaque couvert était accompagné d’un mignon bouquet de fleurs de la principauté et d’un menu toujours imprimé.
Mme Blanc faisait les honneurs du repas avec une affabilité qui ne lui coûtait aucun effort, car c’était le fonds même de son caractère. Elle conduisait la conversation avec beaucoup d’enjouement.
Le dîner terminé, on retournait au salon, où le chevalier Antoine de Kontaky occupait quelquefois le piano, à moins que ce ne fût M. Jules Cohen, avec discrétion toutefois, car on savait Mme Blanc plus friande de causerie que de musique.”
Dîner chez Madame Blanc à Monaco est un texte découvert dans le journal “L’évènement” du 18 mars 1882.