Vue mer à Monaco est une histoire qui évoque la villa construite par le premier directeur du journal Le Figaro.
» Le terrain se fait rare et devient horriblement cher sur ce ravissant plateau des Spélugues, aujourd’hui Monte-Carlo, où M. de Villemessant a bâti sa dernière retraite.
Les pentes plantées de caroubiers et d’oliviers qui s’étagent en pentes gracieuses depuis la Corniche jusqu’à la mer se couvrent de villas, et dans deux ou trois ans, l’hiver prochain peut-être, il ne sera plus possible, à prix d’or, de trouver un petit morceau de terre au soleil.
Heureux les malins qui, comme M. de Villemessant, ont su deviner, les premiers, la prospérité fabuleuse promise à ce délicieux pays, par l’effet de sa situation incomparable à vingt heures de Paris, sur la frontière italienne et ayant des éléments de richesse sans cesse renaissants.
Lorsque vous descendez du chemin de fer, à la gare de Monte-Carlo, l’escalier monumental qui conduit aux terrasses du Casino s’offre à vous avec ses rampes en pente douce.
Vous suivez cette voie poétique jusqu’à la grande place, et tournant à gauche, derrière l’Hôtel de Paris, vous apercevez, au bout des nouveaux jardins, une habitation assez vaste, d’aspect élégant et de tournure cossue, tout entourée de verdure.
Vous la reconnaissez aux panaches de ses magnifiques palmiers. Une tourelle bien posée domine la toiture et souligne heureusement la silhouette de la villa.
C’est là que M. de Villemessant avait établi sa dernière résidence ; il lui a donné par reconnaissance le nom de Beaumarchais, le premier père de ce Figaro dont il a fait son fils adoptif.
Aussi, le buste de l’auteur de la Folle Journée occupe-t-il sa place légitime au sommet de la principale façade du côté de la mer.
La situation est admirablement choisie.
Vue mer garantie
Devant la villa s’étend un beau jardin planté d’arbres précieux et terminé par une large terrasse d’où la vue s’étend à droite sur le rocher de Monaco, de la vieille ville au palais mauresque, à gauche, sur les lignes empourprées des rivages de Menton et de Bordighera, et pour lointain horizon, l’immensité bleue de la mer.
Par un contrat particulier, âprement négocié, on ne peut élever aucune construction devant la villa Beaumarchais, la terrasse qui ne fait que continuer ses jardins doit rester libre jusqu’au grand escalier de marbre qui descend à la route.
Et grâce à cette prudente réserve, la situation de la propriété conservera toujours une valeur exceptionnelle. »
Mais cette villa a été finalement détruite.
Vue mer à Monaco est un texte découvert dans le journal « Le Figaro » du 1er mars 1881.