Des cierges pour le Carnaval de Nice.

par JMS
Des cierges pour le Carnaval de Nice.

Des cierges pour le Carnaval de Nice décrit le jeu des moccoletti consistant à éteindre la bougie de son voisin portée au bout d’un roseau.

« La voiture prenait la file et s’engageait dans la piste du Corso, au milieu de la foule tassée de chaque côté de la chaussée et sur les gradins de l’amphithéâtre.

Nuit crépusculaire sur le Carnaval de Nice

La lune n’était pas levée, et sous un ciel diamanté d’étoiles les tribunes demeuraient enveloppées dans une ombre crépusculaire.

Le fond de la place avait l’air d’un lac noir où s’agitaient des masses confuses.

A travers les gradins de l’estrade, des vendeurs de moccoletti circulaient, offrant leurs paquets de minces cierges emmanchés à des roseaux.

Çà et là, une lueur trouait la nuit ; les moccoletti jetaient dans l’obscurité le scintillement falot de leurs lumignons soufflés à chaque instant, puis se rallumant pour s’éteindre encore.

En bas, des pierrots blafards se trémoussaient au milieu de la piste où alternaient deux orchestres.

En cette pénombre, des voitures de masques vagues et silencieuses comme des fantômes, défilaient, drapées de blanc, éclairées de lanternes blanches, capricieusement décorées : l’une d’elles était enguirlandée de virginales fleurs d’amandier ; une autre, vaste berceau tendu de mousseline, contenait un pâle foisonnement de nourrices et de bébés ; une troisième, capitonnée de fourrures, traînait des hôtes disparaissant sous des pelisses neigeuses.

Flocons sur le Carnaval de Nice

Les masques des voitures et les dominos des tribunes se lançaient des boules de papier qui s’émiettaient tout à coup en l’air, et des giboulées floconnantes s’éparpillaient sur les blanches apparitions de ce fantastique défilé.

Les danses mêmes des masques autour des équipages prenaient des apparences de rêves sous la tremblante clarté des étoiles ou à la clignotante lueur des moccoletti. 

Après avoir deux fois longé la piste, le landau gagnait le Cours Saleya où les pâles files de piétons et d’équipages se fondaient comme de la neige dissoute dans l’éblouissante phosphorescence de la lumière électrique.

Les rayons incandescents traversaient dans toute sa longueur la rue Saint-François-de-Paule et baignaient d’une coulée d’argent en fusion la lente procession des voitures.

Sous cette clarté métallique et vibrante, les jolies femmes emmitouflées de dentelles, les moines blafards et les pierrots enfarinés apparaissaient comme des personnages de la Comedia dell’arte.»

Des cierges pour le Carnaval de Nice est un extrait du feuilleton « Charme dangereux » d’André Theuriet, paru dans le journal « La Charente » du 25 juillet 1891.

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