La sauvageonne de Nice est une histoire qui raconte comment Catherine Ségurane a défendu sa ville contre les Turcs.
” Le 15 août 1543, les Turcs se ruent sur la tour du Sincaire dont ils escaladent la brèche, et bientôt ils en atteignent le faîte.
Déjà l’un d’eux plante le drapeau vert brodé du croissant d’or de l’Islam.
C’en est fait de Nice…
Mais, au même moment, à son cri de triomphe répond une vocifération de haine ; d’un bond sauvage, irrésistible, échevelée, effrayante de rage, la jupe troussée, ses bras nus que le hâle de la mer et les soleils ont bronzés, où saillissent les muscles durs, brandissant son battoir de lavandière, une femme surgit, saute sur l’Ottoman, le terrasse et, avant que, surpris, il ait pu faire un mouvement, terrible d’un coup de son arme improvisée, elle lui fracasse le crâne, l’étend raide et, s’emparant de la hampe du drapeau, l’arrache, l’agite en marque de victoire et de défi, la brise.
Puis, se tournant enfin par une volte-face insultante et se courbant avec une affectation significative el un geste plus expressif encore en sa rabelaisienne et populacière insolence, de l’étoffe déchirée elle fait un torchon et, déshonoré ainsi par cette mimique méprisante et ce simulacre de souillure, elle le jette en manière de bravade aux assaillants.
Les quelques hommes, matelots du port, pêcheurs et soldats, que son audace avait électrisés, à sa suite, se précipitent sur les échelles, les renversent, font rouler les pierres et les blocs de maçonnerie de la brèche sur les janissaires turcs épouvantés par la soudaineté d’une pareille bousculade.
La panique et le désordre se mettent dans leurs rangs.
Ils plient. Leur reculade devint le signal de la dérouté.
Ceux de Nice reprennent l’offensive.
Pour ce jour-là, la ville était sauvée.”
La sauvageonne de Nice est un texte trouvé dans “Le Magasin pittoresque”, publié en 1916.