Le chef de la Sûreté de Monaco

par JMS
Le chef de la Sûreté de Monaco

Le chef de la Sûreté de Monaco est un récit satirique sur ce responsable de la police monégasque.

« Je parie que vous ne connaissez pas Ducry.

Vous savez pourtant que dans tout Etat de quelque importance et qui se respecte autant que celui de Monaco, il y a un chef préposé à ce qu’on appelle le service de la sûreté.

Eh bien ! Ducry, Ducry en chair et en os, occupe cette très haute fonction dans les très vastes domaines de S. A. S. le prince Albert.

Maintenant que vous savez ce que fait Ducry, je m’en vais vous dire ce qu’est Ducry.

Ducry, surnommé Cri-Cri par ses propres agents, est le plus grand maître ès-bourdes qu’il soit donné de contempler à vingt-cinq lieues à la ronde et au- delà.

Entourses à la grammaire

Son chef direct, Delalonde, ayant, en bon policier de Monaco, flairé en lui une canaillerie à toute épreuve, doublée d’un zèle de bouledogue brutal et aveugle, poussa à la roue tant et si bien qu’il fit de cette buse de Ducry ce que je viens de vous apprendre.

J’y-suis-été, car c’est de ce sobriquet aussi que d’autres agents ont affublé Ducry-Cri-Cri, à cause sans doute de sa syntaxe, est devenu l’exécuteur des plus basses besognes policières de Delalonde et du gouverneur Ritt.

Par surcroît de malheur, Ducry est aussi prétentieux qu’il est bête : vous verrez, un jour ou l’autre, que son ambition stupide et démesurée finira par perdre ce coco-là et qu’on sera forcé de le renvoyer au pétrin ou à la truelle…

Ce qu’il y a de plus rigolo, c’est que Ducry s’amuse à casser du sucre sur le dos même de son patron Delalonde, qu’il proclame — avec juste raison, d’ailleurs — le plus grand paillard de la principauté et du cap d’Ail.

Mais c’est surtout Hennequin qu’il débine, nourrissant le ténébreux dessein, lui sot et ignorant, de le supplanter à la sous-direction de la police ; la seule astuce de Ducry consistant à avoir deviné que, dans un pays où tous ces fonctionnaires de papier mâché et de chrysocale sont disposés à se manger le nez entre eux, à avoir deviné, dis-je, que plus on est crétin, plus on a de chance de gravir les degrés de l’échelle hiérarchique : voyez le gouverneur Ritt ! ! !

Cependant, J’y-suis-été ou Je-leur- ç-ai-dit devrait s’estimer heureux de son sort.

Certes, le titre de chef de la sûreté a plus de ronflant qu’il ne rapporte de picaillons, à Monaco, mais Je-leur-ç-ai- dit est un affreux cumulard.

Pompes funèbres

Il partage avec Codur-la-Chouette — le commissaire de police tarabusteur des décavés de Monte-Carlo — les fonctions de principal croque-mort des suicidés de l’usine Blanc, le Casino de Monaco.

Dès que Codur-la-Chouette — qui, grâce, lui aussi, à cette aubaine, peut richement entretenir sa maîtresse — signale à J’y-suis-été un nouveau macchabée sur un point quelconque du territoire, vite Ducry-Cri-Cri de le faire disparaître.

Et le lendemain, bras dessus, bras-dessous, les deux goules s’en vont palper la prime de gratification à la caisse du Cercle des Suicidés.

Inutile d’ajouter, n’est-ce pas, que ce lendemain est de tous les jours ?

Maintenant que je vous ai si fort ennuyé avec le canulant personnage qu’est Ducry, je vous dois deux mots d’explication.

Je ne suis pas méchant pour un liard, vous le savez !

Aussi, me suis-je permis de tracer à la plume le très ressemblant portrait de Ducry, sachant d’avance que personne ne me fera l’honneur de me lire, « le Littoral-Mondain étant un canard que personne ne lit », et celui qui l’a affirmé c’est lui-même, J’y-suis-été, Je-leur-ç-ai-dit, autrement dit Ducry- Cri Cri. »

Le chef de la Sûreté de Monaco est un article paru sous la signature d’un certain Brutus dans le journal « Littoral-mondain » du 10 mai 1902.

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