L’inventeur de la Côte d’Azur est un article qui rend hommage à Stephen Liégeard qui a créé l’expression en 1887.
» Un jour, il y a très longtemps, je rencontrai chez José Maria de Heredia, qui, chaque samedi, recevait des poètes, un petit vieillard prodigieusement bien mis, savamment pomponné et de manières exquises.
C’étail Stephen Liégeard, grand bourgeois bourguignon, propriétaire du Chambertin et candidat à l’Académie Française.
Celle candidature l’occupa et le tortura pendant trente ans ; on souriait de sa marotte, mais avec sympathie, car c’était un galant homme et un homme de bien ; les académiciens lui faisaient des promesses, parfois sincères, puis ne les tenaient pas. Et il recommençait, inlassablement, ses visites, ses démarches, ses tentatives…
Il finit par renoncer à son rêve et, dès lors, on ne le vit plus guère à Paris.
Il passait l’hiver dans sa villa de Cannes et l’été dans son domaine de Grobon, aux environs de Dijon, écrivant encore des vers et gérant le magnifique trésor viticole dont il était possesseur.
Ce fut à Cannes que je le revis après bien des années.
Il assistait assidûment aux représentations du Casino et je ne montais jamais au pupitre pour diriger l’orchestre sans apercevoir son fin visage pâle aux légers favoris tuyautés, son plastron emperlé el ses gants blancs.
Il me fit souvent l’honneur de m’inviter à déjeuner ; la cuisine élail succulente et la cave mirifique. Bien qu’âgé de quatre-vingt-dix ans, il mangeait bien et buvait sec, et il lui étail agréable, au dessert, de réciter quelques sonnets de lui.
Il n’avait conservé nul ressentiment de ses déconvenues académiques ; il paraissait même en avoir perdu la mémoire, ou, peut-être, se disait-il malicieusement que plus d’un immortel serait depuis longtemps oublié quand son nom à lui serait encore cité par les fervents du Midi.
Sans doute n’avait-il pas tort, car ce fut Stéphen Liégeard qui, ayant, dans sa jeunesse, consacré un livre à la description des splendeurs du littoral, inventa pour lui servir de titre une appellation dont le succès fut immense el qui vaut à elle seule bien des poèmes : La Côte d’Azur. »
L’inventeur de la Côte d’Azur est un texte trouvé dans la revue « La Rampe » du 15 février 1931.