Le docteur Bennett de Menton est une histoire qui raconte comment ce médecin a rétabli sa santé.
» En ce pays de Menton où l’on vient de partout chercher la santé, les médecins naturellement trouvent leur paradis terrestre ; aussi en pousse-t-il sur le sol avec autant de vigueur et de succès que les citronniers.
Il s’en transplante de partout. Il y a des docteurs russes, des docteurs anglais, des allemands, des italiens, des français.
Mais le lion, l’éminent, le swell parmi tous ces docteurs, c’est un docteur anglais, le docteur Bennett.
C’est la curiosité de l’endroit, comme son jardin est la curiosité du pays.
Le médecin malade
C’est un homme de soixante ans environ, vert encore et vigoureux, une tête puissante de dogue couronnée d’épais cheveux blancs, une barbe blanche, rasée à la moustache, pour laisser voir une bouche fine et bonne, quoique légèrement railleuse ; des yeux à la fois doux et perçants, le nez large, capricieux et taillé vigoureusement comme celui de Balzac, complètent sa physionomie.
Le docteur Bennett est un savant et un botaniste de premier ordre.
II est à Londres le médecin de la reine, et par suite de toute la noblesse et de toute la gentry des Trois-Royaumes.
Ce qui ne l’a pas empêché, il y a une vingtaine d’années, de venir échouer sur cette rive de Menton, épuisé par une implacable maladie, dont sa science et ses amis les autres docteurs n’avaient pu triompher, et qui ne lui laissait plus qu’un vague espoir.
Il était phtisique, et phtisique au second degré.
Il voyait la mort arriver fatalement pour lui, et venait tristement sur ce bord abrité pour prolonger quelque peu cette vie qui l’abandonnait.
Tout à coup, sous l’influence de cette température douce et sans brusques transitions, de cet air balsamique et vivifiant, il comprit que tout n’était pas perdu, et qu’il s’opérait en lui comme une sorte de renouveau.
Il étudia sur lui-même les progrès de ce mieux, et sut les régulariser et les conduire.
Le médecin guéri
La première année lui apporta une saisissante amélioration, et il put revenir passer la saison à Londres, qu’il avait cru quitter pour la dernière fois.
Plusieurs années de suite, il vint retrouver au moment de l’automne et de l’hiver ce petit coin privilégié où il avait retrouvé ce qu’il n’espérait plus, l’espoir.
Maintenant il est parfaitement guéri, il court, il va, il vient, il jardine, et grimpe sur les rocs escarpés comme les chèvres ou comme les douaniers.
De la phtisie passée il n’est pas plus question que des neiges d’antan. »
Le docteur Bennett de Menton est un texte extrait du livre « La comédie de notre temps » de Bertall, publié en 1874-1876.