CANNES N’EST PAS UNE VILLE AMUSANTE

par JMS
CANNES N’EST PAS UNE VILLE AMUSANTE

Cannes n’est pas une ville amusante est un article qui décrit la coupure de la ville entre les riches nouveaux quartiers et la populaire cité des pêcheurs.

« Une magique profusion de cactus, de phœnix, d’orangers, de lauriers, de myrtes, d’aides, mille plantes lustrées, robustes et délicates, voilant à demi des palais que l’on dirait de marbre et d’or, annonce le luxe de Cannes longtemps avant que le train ne s’y arrête.

Quartiers riches de Cannes

C’est un éblouissement de richesses, et l’humble voyageur se dit : « Seuls d’égoïstes nababs, exonérés de toutes les misères humaines et dédaigneux d’y songer seulement, peuvent, avec la monnaie de leurs trésors, acheter le droit de vivre ici ».

Cela est vrai en apparence. Il n’y a pas de villas plus somptueuses que celles de Cannes ; dans les yeux qui les contemplent s’allume aussitôt la flamme du désir.

Mais, si le bonheur y habite, il n’en transpire rien, et nul n’oserait l’assurer. Entourées de grands murs jaloux et méfiants, elles avoueraient plutôt l’ennui de la satiété ou la morgue de l’argent.

En tout cas, elles ne font pas une ville amusante : l’air anglais, le cant anglais, la froide morgue anglaise, aussi bizarres en Provence que le serait une banquise du pôle dans la Méditerranée, glacent les rues, les avenues correctes, faites pour le repos sans doute ; mais ce repos ressemble à la mort.

Que les hôteliers, les marchands, dont l’insulaire britannique est la providence, louangent cette ville de fraîche date, qui trouve le moyen d’évoquer, sous le plus radieux soleil, la brumeuse image d’un élégant faubourg de Londres, Hampstead ou Saint-John’s Wood, c’est leur affaire.

Quartier populaire du Suquet

Nous préférons, nous, à la moderne Cannes, que symbolise la morne statue de lord Brougham, la cité des pêcheurs, juchée depuis des siècles sur la côte, serrée autour des murs de son vieux château et de son église.

Elle garde, dans un lacis de rues sombres, coupées d’escaliers tortueux, mais si remuantes, si vivantes, les pénates séculaires d’un bon peuple de pêcheurs, qui continue de vivre où vécurent ses ancêtres, attaché à son passé comme à sa foi, et que pour ses raisons nous aimons mieux que l’autre, le peuple sceptique et dur des millionnaires de la ville basse. »

Cannes n’est pas une ville amusante est un récit extrait du livre « Le nouveau voyage de France » par Louis Barron publié en 1899.

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