Le Pan Bagnat de Nice

par JMS
Le Pan Bagnat de Nice

Le Pan Bagnat de Nice raconte l’histoire de ce mets qui après avoir connu une période de déclin, a retrouvé de l’attrait auprès des touristes.

Le pan bagnat – on fait résonner le t final – est-il un hors d’œuvre niçois ou un goûter ?

« Je ne pense pas que ce mets qu’on croquait à belles dents devant le comptoir d’un débit en buvant un verre de vin, n’ait jamais constitué un hors-d’œuvre car la salade de tomates, à laquelle on mélange des filets d’anchois, du thon haché ou en morceaux, des olives, des poivrons et des oignons, le remplace avantageusement sur les tables niçoises, surtout dans les banquets, fort nombreux durant l’été.

Le « pan bagnat » est plutôt un goûter.

Un plat populaire de Nice

Certes, il est toujours en faveur dans les milieux niçois, surtout dans les bastides et les cabanons, mais il a, malgré tout, beaucoup perdu de sa vogue et pour cause. Les boulangers ne fabriquent plus de ces petits pains fendus d’un sou qu’on appelait à Nice des « bouts » et qui servaient à les faire.

De plus, on a supprimé la tolérance dont jouissaient les pêcheurs du comté de Nice, depuis l’annexion, de pêcher avec des filets à mailles fines et de prendre, en mer, de grosses quantités de fretin d’anchois et de sardines avec lequel on faisait une sorte de rémoulade appétissante qu’on appelle pissalat et dont on enduisait les deux tranches de la miche.

On mangeait le pan bagnat pour boire un verre de vin. En effet, il excite à boire, comme d’ailleurs tous les mets traditionnels du pays niçois.

Figurez-vous, il coûtait, dix, quinze ou vingt centimes, selon la grosseur du pain. Aussi, l’usage en était courant.

Tous les marchands de vin du vieux-Nice étaient approvisionnés pour le servir sur le champ.

Socca et pissaladière

L’ouvrier et l’employé en faisaient leur petit déjeuner du matin et lorsque, l’après-midi, la fringale les prenaient, ils repiquaient au zinc, quand la fantaisie ne leur venait pas d’acheter sur les vieux boulevards du Pont-Neuf et du Pont-Vieux, la socca et la pissaladière des marchands débitaient en plein air par tranches aux passants pour deux sous.

La socca est un peu tombée en désuétude, en tous cas elle n’a pas fait le chemin de la pissaladière, qui figure maintenant parmi les hors d‘œuvres de choix des meilleures familles niçoises.

La socca est restée en pleine rue où le marchand ambulant continue à la détailler aux enfants et aux femmes du peuple, friands de cette tourte de farine aux pois chiches que l’autre tourte en pâte feuilletée, imprégnée d’huile d’olive, et garnie d’oignons hachés, de crème d’anchois et d’olives noires ou vertes, tend de plus en plus à supplanter.

Mais revenons au pan bagnat , prétexte à longues beuveries sous les tonnelles des auberges de banlieue pendant les journées dominicales.

Le pan bagnat ? Mais c’était l’objet de toute partie de plaisir !

Vin et Pan Bagnat

Dans les festins traditionnels des environs de Nice, qui ont perdu aujourd’hui leur caractère familial, on en faisait une consommation prodigieuse. Mieux que les fougassettes de Grasse ou de Vence et les nougats de Saint-Paul, qui s’étalaient aux éventaires dressés autour du bal, il était la faveur du public.

Il y avait même des auberges qui s’étaient spécialisées. Elles étaient renommées. C’étaient l’auberge Augustin Cotto, à Saint-Maurice, tout près du parc Chambrun, saccagé aujourd’hui par des lotisseurs ; l’auberge Giraud, à Saint-Roch, celles de Cauvin, au Ray, de Séassaud, à la Californie, du Printemps, à Mont-Boron et de Bovis, à Cimiez qui reste, telle qu’elle était dans tout son pittoresque rural, au milieu des villas envahissantes.

C’est encore aujourd’hui une tradition que nul ne saurait enfreindre que d’aller déguster le pan bagnat chez Bovis, le jour du grouillant festin des Cougourdons, le 25 mars. Là, ce n’était plus de petits pains, mais de grosses miches rondes d’une et deux livres qui apaisaient l’appétit des familles réunies et des bandes de jeunes gens en goguette.

Le tout s’arrosait d’un Montaleigne parfumé, d’un Falicon ensoleillé, d’un Villars du Var capiteux ou d’un Bellet généreux, si généreux qu’on en boit, rien qu’à Nice, beaucoup plus que la colline vineuse de Saint-Romain peut en produire.

Tous les mets locaux sont conçus pour exciter l’appétit et pour provoquer la soif, qu’il s’agisse du pan bagnat, du lapin sauté, des raviolis, du stockfisch. Ils forment des repas massifs et réclament des estomacs complaisants. Avec eux, la mévente des vins n’est pas à craindre. »

Le Pan Bagnat de Nice est un article issu de la revue “La semaine à Paris” du 1er octobre 1929.

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