Préparation du Carnaval de Nice est un récit qui raconte comment s’organise cet évènement festif annuel.
» Si l’on veut trouver encore le carnaval en France, il faut venir à Nice.
Car c’est là que réellement le Carnaval est en honneur ; il semble que ce soit la préoccupation de toute l’année, à voir le luxe étrange et les combinaisons variées qui s’y déploient.
Les fêtes durent trois jours, du dimanche gras au mercredi des cendres.
Huit jours avant le dimanche impatiemment attendu, un peuple affairé d’ouvriers dresse des mâts, bâtit des estrades, élève des belvédères.
Ce ne sont que madriers, planches et joyeux coups de marteau sur la longue promenade qui s’appelle le Cours Saleya, et qui s’étend depuis la côte où s’étagent les ruines du château, jusqu’au Paillon.
On répand avec profusion du sable fin pour faciliter la marche des piétons et assourdir le bruit des roues pour les voitures.
Sur tout ce Cours et sur la place de la Préfecture, autour.de laquelle s’élèvent des gradins et des tribunes, c’est là que le préfet et les autorités de la ville doivent présider à la fête.
Et c’est là aussi et que les jurés choisis dans le personnel influent de l’endroit se tiennent pour décerner les prix réservés aux cavalcades les plus réussies et aux chars dont la richesse, l’excentricité ou le goût produiront le meilleur effet sur le Cours.
Aussi c’est une émulation générale dans- toute la ville, et souvent d’une année sur l’autre il se prépare et se combine dans le plus profond secret les déguisements et mises en scène destinés à la gloire du Carnaval qui va venir.
Il y a des groupes choisis dans les différentes industries de la ville qui se forment et s’entretiennent l’année durant pour réunir dans ce but leur argent, leur ingéniosité, leurs efforts, et la rivalité produit des résultats parfois très étranges et très réussis. ·
C’est le matin du dimanche attendu avec tant d’impatience, les banderoles joyeuses de toutes couleurs se sont élancées en haut de tous les mâts, les gradins se couvrent de monde, les fenêtres louées à grands frais sur tout le parcours, et tendues d’étoffes et de tapisseries aux tons les plus éclatants, se garnissent de têtes émerillonnées par le plaisir.
Car on est venu de partout, même de Monaco, où la roulette, un instant délaissé, s’évertue à rouler dans sa vasque au milieu d’un noyau bien restreint de fidèles.
Les hôtels regorgent depuis deux jours, et les habitants des campagnes rie trouvent parfois d’autre lit que celui du Paillon.
Enfin il est midi.
Le préfet prononce le laissez aller, trois coups de canon partent, l’orchestre placé devant l’hôtel de la Préfecture entame les plus éclairantes fanfares de son répertoire, et la fête commence. »
Préparation du Carnaval de Nice est un texte extrait du livre « La comédie de notre temps » de Bertall, publié en 1874-1876.