Le port franc de Nice est un récit qui rappelle les privilèges accordés pour développer le trafic maritime de la Savoie.
» On peut faire remonter jusqu’au moyen âge l’origine de la franchise du port de Nice.
Charles d’Anjou, devenu comte de Provence, y créa un arsenal maritime en 1250, avec darse intérieure, tandis qu’au dehors des murailles, à leur pied, une jetée protégeait le port Saint-Lambert.
Mais la darse était petite et le port peu sûr.
Tout à côté, la merveilleuse rade de Villefranche, enserrée malheureusement de trop près par des montagnes escarpées pour qu’une ville importante pût se développer sur ses bords, le complétait et donnait un abri aux navires par les gros temps.
Charles y créa un port en 1280 et, pour attirer-des habitants, accorda des privilèges qui valurent le nom de Villefranche à la nouvelle cité.
Les Génois en furent si inquiets qu’ils en réclamèrent la suppression au fils de Charles d’Anjou, en 1285, et voulurent la lui imposer par une guerre qui dura jusqu’en 1302.
Au début du XVIIe siècle, la darse et la jetée du port Saint-Lambert n’existaient plus, détruites par des tempêtes au XVIe siècle ; Villefranche restait le seul port de Nice.
Les vieux privilèges des deux villes avaient été solennellement confirmés à perpétuité par le pacte conclu avec le duc de Savoie, quand les Niçois, se séparant de la Provence par hostilité pour le comte Louis d’Anjou, s’étaient donnés au duc Amédée VII, en 1388.
Mais c’est en 1666 que la franchise de Nice et de Villefranche fut définitivement établie et organisée par le duc qui voulut, peut-être, imiter l’exemple donné par Louis XIV à Dunkerque.
Cependant, Nice et Villefranche n’en étaient-pas moins trop mal placées pour devenir de grands marchés commerciaux.
Adossées aux Alpes, trop près de Marseille et de Gènes, elles n’étaient pas capables de rivaliser avec des ports aussi anciennement maîtres du trafic que le duc de Savoie aurait voulu leur disputer.
Quant au Piémont et à la Savoie, ni leurs productions, ni leur industrie, ne pouvaient alimenter un trafic assez actif pour attirer en. grand nombre les négociants et les navires étrangers.
La franchise fut donc insuffisante pour transformer Nice qui resta, jusqu’à sa réunion à la France, une place de médiocre importance.
Les Niçois, cependant, tenaient à leur franchise et les rois de Sardaigne la maintinrent pendant tout le dix-huitième siècle. En 1724, Victor Amédée II l’avait confirmée par un édit du 30 janvier.
En 1748, le port actuel fut creusé à l’est du château. Aussitôt un acte royal du 12 mars 1749 renouvela la déclaration de franchise pour Nice et pour Villefranche.
A la veille de la Révolution française, il avait été fortement question de créer « un nouveau port plus grand, plus sûr, auquel on aurait donné la franchise absolue. Les événements ne permirent pas de réaliser ces projets.
Réunie à la France en 1793, Nice perdit aussitôt son port franc pour le recouvrer en décembre 1817 seulement, à la suite des réclamations qu’elle adressa au roi Victor Emmanuel.
Les nouveaux rois de Sardaigne voyaient-ils dans les privilèges de Nice des vestiges gênants du passé ? Les Génois, nouveaux sujets des Etats Sardes, y étaient-ils hostiles ? Le 11 juin 1851 parut une Ordonnance royale qui supprimait le port franc.
Mais les Niçois y étaient restés beaucoup plus attachés qu’on ne pensait. La Municipalité envoya une protestation énergique.
Une pétition qui circulait sur les places publiques recueillit en trois jours plus de 11.000 signatures.
Pour empêcher une insurrection menaçante, le gouvernement fit arrêter les membres du Conseil municipal qui avaient pris la direction du mouvement. Il fallut recourir à la troupe et faire faire les sommations légales pour disperser la foule ameutée à la suite de ce coup de force.
Le résultat fut que le gouvernement sarde devint odieux aux Niçois.
Le port franc de Nice avait eu une longue histoire obscure. Pourtant, ce dernier épisode montre bien qu’il avait contribué à la prospérité de la ville.
L’histoire des franchises n’offre même aucun autre exemple d’essai de soulèvement d’une population pour empêcher la suppression. »
Le port franc de Nice est un texte trouvé dans le livre « Ports francs d’autrefois et d’aujourd’hui » par Paul Masson, publié en 1904.