Amica Italia par Aragon est un article dans lequel il légitime le bien-fondé du rattachement de Tende et de La Brigue à la France en 1947.
« On sait qu’au cours de la journée des Lettres du Congrès de la Pensée française au service de la paix, la nouvelle étant arrivée du refus de Toscanini de venir diriger un concert à Paris, accompagné d’un étrange communiqué de presse, les écrivains réunis salle Pleyel, ont voté la motion suivante :
« Le geste de Toscanini, appuyé du directeur de la Scala et des membres de la municipalité de Milan, qui, en dernière minute, a renoncé à venir diriger un concert à Paris parce que la conférence des Quatre a donné satisfaction à la France pour des rectifications de frontière, ne peut être accepté sans commentaires.
Toscanini contesté
Les écrivains de France, réunis en congrès le 29 juin, ont trop la mémoire de manifestations similaires du grand chef d’orchestre protestant contre le fascisme italien ou le maintien de la royauté en Italie pour ne pas prendre au sérieux une telle démonstration. Mais c’est en vain qu’on nous la présente comme le résultat d’une tristesse compréhensible et qu’on prétend qu’elle n’a aucun caractère nationaliste.
Qu’un directeur de théâtre et une municipalité aient cru devoir s’y associer témoigne qu’il s’agit là d’une attitude prise par une partie des Italiens.
Les écrivains français, se gardant cependant, de juger là-dessus le peuple italien dans son ensemble, qui a su en 1943 reprendre à nos côtés la lutte contre l’ennemi commun, ne peuvent pourtant pas oublier qu’il n’y a pas si longtemps en Italie ce n’était pas des rectifications de frontières qui étaient à grand bruit réclamées, mais Nice, mais la Savoie, mais la Corse, mais la Tunisie.
L’Italie a fait la guerre avec le fascisme, ses soldats ont tué, pillé, dévasté notre sol. Cela doit être payé, et pour l’avenir commun de la France et de l’Italie.
Tende et La Brigue, c’est un faible prix pour le crime de ceux qui, s’ils avaient été vainqueurs, nous auraient arraché Nice, la Savoie, la Corse, la Tunisie.
Toscanini ne fait pas avancer la cause italienne en employant les armes dont il a usé contre le fascisme mussolinien cette fois contre la démocratie française. »
Le congrès avait, à l’unanimité, approuvé cette motion.
Lutte contre le fascisme
Aragon terminait son article en indiquant que « c’est bien parce que nous savons qu’un « nouveau » fascisme est possible, que nous entendons que les crimes du fascisme « ancien » soient payés, et encore une fois, le prix de Tende et de La Brigue est un prix léger pour cela.»
Amica Italia par Aragon est un extrait du journal « Les Lettres françaises » paru le 12 juillet 1946.