Avec Alphonse Karr à Saint-Raphaël est un récit qui raconte la vie tranquille de l’écrivain dans sa Maison close.
” C’est une anse adorable, non loin de Saint-Raphaël.
Au nord-est, la côte bordée d’écueils se développe en ligne droite vers une falaise couverte de chênes verts.
Deux rochers fauves, semblables à des lions couchés, ferment la rade et brisent les vagues qui par les temps de mistral viennent de la pleine mer.
On les nomme le lion de terre et le lion de mer.
Un havre de paix
C’est près de là, à l’écho de ces rochers, que le philosophe et sympathique écrivain Alphonse Karr a placé maintenant son nid.
Deux maisons basses, entourées de verdure et de fleurs, sont bâties dans un pli de terrain placé entre la mer et le chemin de fer qui conduit au golfe Juan.
La flotte d’Alphonse Karr est amarrée à vingt pas de sa maison de l’autre côté de la route.
Elle se compose de deux barques peintes en blanc, d’une construction élégante et une. Ces deux barques portent le nom de sa fille et de sa petite-fille, un charmant bébé de trois ans qui tyrannise de tout son cœur le grand-père, lequel est en adoration constante devant son délicieux petit tyran.
Alphonse Karr est un marin de premier ordre, et son gendre un élève marin qui lui fait le plus grand honneur.
Une vareuse, un chapeau de paille, un pantalon de, toile en plein janvier, tel est le costume de l’auteur des Guêpes et de Sous les tilleuls.
Solitude
Il vit là dans cette double petite maison pleine de précieux souvenirs des contemporains les plus célèbres, avec sa fille, une femme d’élite, le mari de sa fille et la petite fillette, calme, tranquille, pêchant son poisson, donnant la provende à une douzaine de paons magnifiques qui s’étalent en riche espalier sur le mur de son jardin, soignant ses chères plantes, lâchant ses guêpes, et jugeant en philosophe, avec cette haute et spirituelle raison qu’on lui connaît, les tristesses du présent, les angoisses du passé et les incertitudes de l’avenir.
Voilà la résidence charmante baignée par la mer bleue, tout ensoleillée, encadrée dans la verdure et dans les fleurs, que le maître du lieu a nommée Maison close.
Les importuns et les oisifs n’y entrent pas. On n’y reçoit que les amis. On est fier et heureux quand on a pu s’y faire admettre.”
Avec Alphonse Karr à Saint-Raphaël est un texte extrait du livre “La comédie de notre temps” de Bertall, publié en 1874-1876.