Le château de Tourves est un récit qui raconte le passé de ce bâtiment en ruine du Var.
« De loin, très loin, sur la route qui va de Brignoles à Aix, on les voit se détacher, imposantes et mélancoliques, dans la transparence du ciel.
Obelisque
C’est d’abord l’obélisque, haut de vingt-huit mètres, que le vent secoue et menace, sur lequel sont gravés, au-dessus de la corniche qui en forme la base, ces deux vers, tirés de la Henriade :
Conserve ma devise, elle est chère à mon cœur,
Les mots en sont sacrés : c’est l’amour et l’honneur.
Devise qui peint bien le caractère chevaleresque et poétique de ce brillant Orner de Valbelle, amant de la grande tragédienne Clairon et l’un des plus magnifiques seigneurs du XVIIIe siècle.
Puis c’est la colonnade monolithe dont la vue donne la sensation d’un de ces coins de la Grèce où gisent dus vestiges de temples et de palais ; les deux tours démantelées que la marche impitoyable des ans, effrite chaque jour, la haute muraille, vers le midi, dont les ouvertures béantes des larges fenêtres, découpent, dans le vide, des carrés d’azur.
Plus loin furent les écuries, bâties en marbre blanc, dans le style Egyptien, une des rares somptuosités de l’époque.
Puis enfin, la minuscule pyramide ou la légende veut que la fantaisie du seigneur, ait placé une momie couchée dans ses riches atours de gazes, lamées d’or, et devant laquelle brûlaient, sans cesse, des lampadaires et des parfums.
Quelle poésie navrée plane sur ces ruines solitaires, les enveloppe et vous attire !
En les voyant ainsi, muettes et désolées opposant aux attaques du temps, leur altière impassibilité de pierre, on ne peut se défendre de songer à ce passé dont elles furent les témoins, depuis le jour où le caprice de Jeanne de Naples édifiait, sur ce plateau, un pavillon de chasse, vaste tour carrée, encastrée dans les ruines actuelles et dont on reconnaît encore parfaitement les restes.
Château de Valbelle
La baronnie de Tourves fut érigée en 1375 par Jeanne de Naples en faveur de son grand Chambellan, Jacques d’Arcussia, seigneur de Menerlin et de Hautemure, qui avait été son secrétaire.
Ce n’est qu’en 1640 que la seigneurie de Tourves et la tour carrée par conséquent, passèrent à la famille de Valbelle. Elles furent apportées, en dot par Marguerite de Vintimille, épouse de Jean-Baptiste de Valbelle.
La baronnie de Tourves. fut érigée en marquisat par lettre de juin 1678, en considération des services rendus par la maison de Valbelle. C’est à partir de ce moment, que le château eut ses jours de célébrité. Ce furent, en effet les de Valbelle qui le firent rebâtir dans les proportions connues et leurs descendants l’agrandirent, successivement pour en faire, pendant deux siècles environ, leur séjour de prédilection. Les transformations architecturales les plus récentes, et les plus imposantes qui furent faites sont dues à Orner de Valbelle, le dernier de ce nom, qui mourut célibataire en 1786.
Le château à ce moment-là était achevé depuis une dizaine d’années seulement, et ce fut sa mère, la marquise de Valbelle qui en hérita.
Après elle, le château est devenu la propriété de la famille de Castellane, alliée aux de Valbelle.
Il appartient, aujourd’hui, à la famille d’Estournel, alliée aux de Castellane.
Abandon
Mas, l’abandon partout est complet : les ruines, lentement s’enlisent, de plus en plus, sous les décombres ; le parc est envahi par la végétation ; le paysan vient prendre, au château, la pierre dont il se sert pour bâtir sa maison.
Sous ces ruines endormies depuis plus d’un siècle, et dont, après si longtemps, aucun bruit n’était venu réveiller la douloureuse rêverie, la civilisation a placé un tunnel dans lequel, à toute heure du jour, s’engouffrent des trains, trépidant sur les rails, dans le sifflement prolongé des locomotives.
C’est là tout ce qui reste de ce fastueux château, séjour enchanté où venaient s’ébattre, avec la pléiade des artistes, les plus nobles seigneurs de la cour ; où les fêtes succédaient aux fêtes et où l’on n’entendait, avec le roulement des carrosses et le cri des estafettes qui apportaient les nouvelles de Paris, que des rires et des chansons ! »
Le château de Tourves est un texte tiré du journal « Littoral-mondain » du 10 mai 1902.